Un État nerveux
Violence, remèdes et rêverie au Congo colonial
Nancy Rose Hunt
A Nervous State, ouvrage phare de Nancy Rose Hunt, est un défi à la traduction, avec son écriture sensorielle et sa densité conceptuelle, l’étendue de la synthèse proposée et la richesse des archives exploitées. Françoise Wirth le relève brillamment, et permet au lectorat francophone de découvrir ce travail majeur sur l’histoire complexe du Congo colonial, mais aussi sur la manière de l’écrire.
En 1885, le roi Léopold II crée en Afrique centrale l’État indépendant du Congo, qui deviendra par la suite le Congo belge. L’administration du régime appliqua alors une politique de travail forcé et de terreur, notamment afin d’extraire le caoutchouc sauvage. S’en suivirent de nombreuses opérations punitives barbares, ainsi que des détentions de civils, jusqu’à la proclamation de l’indépendance congolaise le 30 juin 1960.
Si ces pratiques brutales marquèrent la conscience publique, qu’en est-il des coutumes et des usages qui furent préservés par les Congolais pour pour endurer le travail forcé et les mesures de contrôle biopolitique ? En forgeant le concept d’État nerveux, en lien avec l’anxiété individuelle, Nancy Hunt précise toute la particularité de cet épisode historique, à travers l’émergence vernaculaire de cultes de guérison, de chants, de danses. De fait, cette vaste histoire médicale met en lumière l’importance des pratiques de remèdes et de rêverie qui furent utilisées pour pallier un malaise aussi bien physique que psychique.