Et si les Romains avaient inventé la Grèce ?
Valérie Huet & Emmanuelle Valette-Cagnac (dir.)
Cette question, un brin provocatrice, souligne la perspective anthropologique dans laquelle les chercheurs se sont situés pour aborder la question de l’interculturalité et de l’altérité incluse dans le monde gréco-romain. Il s’agit ici de comprendre la façon dont les Romains ont pu se définir en tant que tels en se référant à une Grèce imaginaire et idéale, culturellement définie.
La bibliographie récente témoigne de l’engouement qui semble s’être emparé des études anciennes pour les questions d’identité et de relations entre cultures. Dans ces recherches, la Grèce occupe une place spécifique, puisque, comme l’ont souligné de nombreux auteurs antiques et modernes, elle fut militairement vaincue, mais elle apporta à Rome la Culture. Que ce soit un mythe ou non, peu importe ici. Ce paradoxe amena à concevoir les rapports entre la Grèce et Rome comme un « impérialisme culturel renversé » ou comme une « acculturation inversée » dont l’élite intellectuelle et politique « grecque », toujours active à l’époque romaine était la preuve vivante. Parallèlement, la Grèce même devenait le Musée d’un passé révolu, admiré par les Romains, puisqu’elle ne dominait plus sa propre histoire. Elle était à la fois figée et en déclin. Dans ce travail collectif, les auteurs s’attachent aux manifestations rituelles, iconographiques, culturelles au sens large de cet usage de la Grèce dans l’imaginaire romain. Les textes s’articulent autour de la religion – les cultes selon le rite grec – ; les « images », et en particulier la question de « l’imitation » de l’art grec ; la Grèce imaginaire des Grecs de l'imperium et le jeu de miroir entre les deux cultures, qui ne cessent de se réfléchir l’une l’autre. « Spécialistes des religions, archéologues et historiens d’art, littéraires (hellénistes et latinistes) fournissent en fonction de leur domaine et de leurs outils d’analyse respectifs leur propre définition de cette "altérité incluse". Cet aspect kaléidoscopique fait à nos yeux la richesse de ce volume. Car il nous a semblé important de respecter cette pluralité d’approches. En outre, nous avons jugé qu’elles reflétaient parfaitement l’aspect dynamique des recherches en sciences humaines, dans un débat ouvert, en perpétuelle évolution. »