Conjurer la guerre
Violence et pouvoir à Houaïlou (Nouvelle-Calédonie)
Michel Naepels
Avec pour fil conducteur des situations de conflits et de guerres intestines en Nouvelle-Calédonie, depuis sa prise de possession par la France jusqu'à nos jours, Michel Naepels montre les modalités de mise en œuvre de la gouvernementalité coloniale.
Quel est le fil conducteur qui mène un anthropologue enquêtant à Houaïlou, en Nouvelle-Calédonie, à s’intéresser à la fois aux opérations de répression coloniale menées en 1856, à la chasse anti-sorciers de 1955, à la mobilisation indépendantiste des années 1980 et aux règlements de compte villageois des années 2000 ? La violence, le conflit, la guerre. Autrement dit, quelles sont les conventions d’usage de la violence ? Comment contrôler la violence pour éviter la guerre, ou pour la préparer en secret ?
Michel Naepels décrit et analyse les pratiques guerrières, les figures du massacre, la question de l’anthropophagie, les « objets de guerre ». À travers cette archéologie de la violence, il rend compte de l’inventivité pratique, de l’intelligence et de la ruse des Kanaks impliqués dans des rapports conflictuels, souvent violents. Les archives et le recours aux récits recueillis auprès des habitants actuels de Houaïlou restituent l’épaisseur de ces moments historiques, les contextes emboîtés de l’action politique qui s’y déploie, tout en interrogeant la valeur et les limites de l’enquête de terrain.
Ces épisodes sont autant de séquences de changement dans l’organisation sociale, administrative, foncière ou politique : ils permettent de comprendre, depuis la prise de possession par la France jusqu’à nos jours, les modalités réelles de mise en oeuvre de la gouvernementalité coloniale et postcoloniale. L’attention portée à l’invention, à l’importation ou à l’adaptation des techniques répressives, massivement liées à l’expérience française en Algérie, ouvre à une véritable géopolitique de la colonisation. À travers cette description minutieuse des logiques sociales du conflit, Michel Naepels invite aussi à une réflexion sur la place des fantasmes européens sur la violence ethnique, sur les représentations de l’altérité.
SOMMAIRE
Introduction
Chapitre 1 – Concurrence lignagère et contrôle colonial. Les dynamiques de la guerre dans un espace mondialisé
1847-1855 – Les santaliers, « Houaïlou » et le système-monde océanien
Octobre 1855-mars 1856 – Les chercheurs d’or, Canala et le système-monde européen
10 juillet 1856 – La guerre
1857-1878 – L’alliance avec les Français, l’investissement auxiliaire
1875-1881 – Contrôle local et mondialisation
Guerres et constitution des chefferies : une relecture des sources coloniales
Chapitre 2 – Les objets de la guerre
Les pierres de guerre
L’histoire d’une guerre
Pierres de guerre et conversion : l’exemple de Bwêêyöuu Ërijiyi
Les collecteurs
Chapitre 3 – Les chefferies dans l’ordre colonial
La mise en ordre des chefferies
Ordre sanitaire et guerre kanake
L’invention différée du conseil des anciens
Chapitre 4 – Mobilisations au sortir de l’Indigénat
1945-1954 – Réforme administrative et mobilisation protestante
1955 – Une chasse aux sorciers
1957-1960 – Dynamiques de la scission
Chapitre 5 – Subjectivité de l’action violente
Les « événements » : mobilisations collectives et actions solitaires
Émotions politiques
Chapitre 6 – Construction et fiction du consensus
Politiques cérémonielles
Quatre espaces de mobilisation après l’Accord de Nouméa
Conclusion
Sources et bibliographie