Qu’est-ce que l’anthropologie peut nous apprendre sur les événements qui bouleversent l’Iran contemporain ? C’est à cette question que propose de répondre Jean-François Bayart en s’appuyant sur les travaux de Fariba Adelkhah dans la « Chronique » qui ouvre ce numéro. À la suite de cette réflexion, trois « Études & Essais » illustrent une nouvelle fois la diversité des thèmes et des méthodes de notre discipline. Joëlle Vailly nous invite à pénétrer dans les arcanes des dispositifs policiers de la bio-identification de suspects d’infractions pénales en Europe, laquelle engage à bas bruit un nouveau rapport du citoyen à l’État. Puis, Dimitris Gianniodis fait le récit d’une soirée de fête sur l’île grecque de Chios du point de vue des musiciens qui l’animent. S’élèvent alors les chants improvisés des manés qui participent autant à la construction d’émotions qu’à une histoire partagée, parfois douloureuse. À ces deux études mettant en œuvre des pratiques ethnographiques très différentes, s’ajoute un essai réflexif sur la position de l’ethnographe : à partir de l’analyse pragmatique de plaisanteries récurrentes dont elle est la cible, Camille Riverti met en évidence les violences conjugales qui les sous-tendent et révèle ainsi ce que le burlesque peut avoir de politique. La discussion se poursuit ensuite sur le terrain théorique sous la plume de Urmila Nair. Dans un « En Question », elle esquisse avec clarté les contours de l’anthropologie linguistique nord-américaine développée dans le dernier livre de Susan Gal & Judith Irvine, Signs of Difference (2019). Enfin, Arnaud Esquerre conclut ce Varia par une lecture critique de Toward an Anthropological Theory of Value de David Graeber (2001), récemment traduit en français. Dans cet « À Propos », il commente certaines étapes de la formation de l’une des pensées les plus fulgurantes de l’anthropologie du début du xxie siècle.