Justice commerciale et histoire économique : enjeux et mesures

Revue Histoire & Mesure, vol n° 23-1

La question des faillites et de l'emprisonnement pour dettes fait actuellement l’objet de recherches novatrices à la croisée de l’histoire du droit et de l’histoire économique et sociale. Les meilleurs spécialistes font ici le point.

Complétant le numéro 2 de 2007, qui discutait de la mesure de la criminalité et de l’activité judiciaire en se centrant sur la police, la gendarmerie et les tribunaux civils et pénaux, ce nouveau dossier se penche sur la justice commerciale, et en particulier sur les faillites et sur l’emprisonnement pour dettes.
Ce thème fait actuellement l’objet de recherches novatrices, qui croisent l’histoire du droit et celle de la comptabilité avec l’histoire économique et sociale. Donnant la parole aux meilleurs spécialistes, notre numéro fait le point sur ces récents apports et ouvre de nouvelles pistes de recherche.
La faillite n’est pas seulement la mort d’une entreprise, un événement dans une trajectoire individuelle d’entrepreneur : elle met en jeu de nombreux acteurs, des réseaux complexes de crédit, des formes variées d’arrangements collectifs à l’amiable ou de règlements institutionnalisés. Du fait même de cette épaisseur juridique et sociale, on ne peut pas se contenter de compter les faillites pour faire de leur nombre un indicateur de la santé générale de l’économie. Cependant, tout en s’interrogeant sur ce que les contemporains eux-mêmes faisaient des statistiques de faillites collectées dès le XIXe siècle dans différents pays d’Europe, les auteurs montrent aussi tout ce qu’un traitement plus fin et contextualisé de ces chiffres peut apporter à l’histoire économique.
Le règlement judiciaire des problèmes économiques produit aussi des gisements de sources précieuses, et encore trop peu exploitées, sur les pratiques comptables réelles des entrepreneurs, grands mais aussi petits, parfois bien loin des normes édictées dans les manuels.
Hors dossier, les deux numéros d’Histoire & Mesure consacrés à la justice se closent avec un article primé lors du colloque « Les chiffres du crime en débat », en décembre 2007. Il mène l’enquête sur les usages politiques d’un chiffre : est-ce par hasard que 242 personnes furent exécutées en Belgique pour des actes commis en lien avec l’occupation allemande, alors même que les Allemands avaient, eux, exécuté 240 otages ? La démonstration rigoureuse de Koen Aerts réfute la théorie de la vengeance tout en offrant des aperçus inédits sur la prise de décision en matière de grâces.